2018-11-14 06:00:00

L’environnement, l’iceberg et les vaches à lait

On pourrait se demander quel est le rapport entre les trois. C’est simple : en nous affirmant que l’augmentation du prix du gazole s’explique par une volonté de protéger l’environnement, on ne voit que la partie émergée de l’iceberg fiscal. Ce faisant, le gouvernement traite les professionnels, les particuliers, les grandes et petites entreprises, les artisans et les commerçants, comme des vaches à lait. C’est l’ensemble du tissu économique qui est menacé, TPE et artisans en tête.

Derrière le paravent de l’environnement, c’est une préoccupation budgétaire qui se cache

Le PLF 2019 prévoit la suppression du taux réduit de la TIPCE pour les entreprises du BTP. Conséquence : les machines de chantiers paieront leur gazole au prix fort. Et le client également, puisque cette charge supplémentaire sera portée sur sa facture.

Que les artisans qui n’ont pas d’engins se rassurent : ils ne sont pas oubliés. Depuis 2016, le gazole a connu une augmentation ininterrompue, pour arriver à 82 dollars le 9 octobre dernier. Si l’augmentation du prix du brut ne peut pas être mise à la charge du gouvernement, il n’en est pas de même des taxes intérieures sur les produits pétroliers. Et si on ne regarde que le PLF 2019, beaucoup de choses risquent de passer inaperçues.

En effet, l’augmentation que nous subissons actuellement n’est que la conséquence d’une taxe mise en place en 2014 et dont on évite fébrilement de parler : la « composante carbone des taxes intérieures de consommation » (article 32 de la loi de finances pour 2014). Initialement fixée à 7 €/t en 2014 pour arriver progressivement à 30,5 €/t en 2017, cette taxe fut prolongée en 2015, avec un taux prévisionnel de 56 €/t en 2020. Le meilleur reste à venir, puisque la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé le taux de cette taxe à…100 €/t en 2030.

Appliquée au gazole, cette taxe, qui représente aujourd’hui 59,40 ct/litre, se montera à 78,23 ct/litre en 2022.

On mesure bien l’effet de levier avec un baril à 80 dollars, alors qu’il était presque imperceptible quand le prix du baril évoluait sous les 40 dollars.

On mesure aussi à quel point une taxe votée dans l’indifférence générale il y a 5 ans, et dont on vient juste de comprendre la toxicité, ne sera pas négociable pour un gouvernement qui commence sérieusement à apercevoir le fond de ses caisses.

Et l’environnement, dans tout ça ? On peut se poser la question, puisque l’argument principal des réformes de la TIPCE et de l’augmentation des taxes sur le gazole, c’est précisément de faire diminuer la consommation de produits pétroliers. L’idée serait louable si elle était honnête. Sauf qu’un récent communiqué de l’Union Français des Industries Pétrolières du 16 octobre 2018 rappelait que la consommation française de carburants, en stagnation globale depuis 2010, a connu une diminution de plus de 10% au cours des 18 derniers mois. Le tout, avec environ 4 millions d’habitants supplémentaires. On le voit, pas besoin de taxe supplémentaire pour faire baisser la consommation… On peut donc légitimement douter de la sincérité écologique de ces mesures, tout en gardant en tête que l’objectif affiché du PLF 2019 en réformant la fiscalité pétrolière est un gain de 4 milliards supplémentaires dont « environ 1 milliard d’euros » sur le GNR.

Pour la CAPEB et la CNATP, le constat est clair : jamais l’expression « vache à lait » n’a pris plus de sens qu’aujourd’hui. D’autant plus qu’aucune solution alternative réellement performante au moteur thermique n’est proposée aux professionnels…

C’est pourquoi la Confédération avait alerté Gérald DARMANIN sur ces sujets, sans réponse de sa part, et proposé un amendement très largement soutenu mais finalement rejeté par le Gouvernement lors de l’examen en séance publique à l’Assemblée Nationale. Face à ce silence assourdissant et à ce manque évident d’ouverture à la discussion, la CAPEB et la CNATP demandent aux pouvoirs publics et en priorité, l’abandon de l’article 19 du PLF 2019 qui supprime les exonérations de TICPE.

Ensuite, à minima, et si cette disposition du PLF 2019 devait perdurer, la CAPEB et la CNATP demandent au gouvernement :

  • de s’engager à ce que les recettes nouvelles ainsi engrangées par l’État soient entièrement employées à la transition énergétique ;
  • de permettre aux entreprises de répercuter cette hausse du GNR dans tous les marchés en cours, qu’une clause de révision ait été ou non prévue ;
  • de mettre en place un grand plan d’accompagnement des entreprises artisanales, avec des aides financières significatives, pour leur permettre de gérer dans le temps la transition de leur flotte d’utilitaires, fourgonnettes, camions et/ou engins de chantier, vers des véhicules utilisant des énergies renouvelables ;
  • de maintenir l’exonération pour tous les équipements et engins de chantier qui ne sont pas disponibles aujourd’hui avec d’autre type de motorisation.