2019-04-17 00:00:00

Obligation de dénonciation d’une infraction routière : suite et fin ?

Souvenez-vous des précédents épisodes de notre passionnante saga sur les infractions routières commises avec un véhicule de l'entreprise… Une vraie saga, qui ne dure pas qu’une saison, et dans laquelle beaucoup d’entre vous se sont retrouvés figurants non consentants… Depuis notre 1er café juridique organisé sur ce thème en 2017, vous pouviez suivre à travers notre site CAPEB l’évolution tumultueuse des règles applicables. Suivez-moi…

Épisode 1 : 2017 - En cas d’infractions routières constatées par des appareils de contrôle automatique fixes homologués, la loi impose aux employeurs propriétaires de véhicules utilisés par leurs salariés de révéler dans les 45 jours l’identité du conducteur ayant commis une infraction routière. Ou de s’auto-dénoncer lorsqu’ils étaient eux-mêmes conducteurs du véhicule d’entreprise, quel que soit leur statut (gérants ou micro-entrepreneurs).

Le défaut de dénonciation est passible d’une sanction de 90 € à 750 € en plus du montant de l’amende. Le paiement de l'amende sans dénonciation préalable du conducteur vous rend quand même passible d'un « avis de contravention pour non désignation de conducteur », qui vous obligera à verser de 450 € à 675 € supplémentaires, sans que vous puissiez utilement contester cette seconde contravention.

Épisode 2 : 2018 –

Une décision du Tribunal de Police de Metz favorisant la contestation : une jurisprudence isolée ?

Le tribunal de Metz ouvre la voie à la contestation.

En effet, l'obligation de dénonciation pèse sur le représentant légal de l'entreprise, personne physique. Or, c'est l'entreprise, personne morale, qui est la cible des poursuites ultérieures par le ministère public.

Il est donc jugé que des procédures en cours manquaient de base légale sur ce fondement.

Épisode 3 : 2019 – Cass. crim. 11-12-2018 n° 18-82.628 FS-PB.

La Cour de cassation fait application de l’article L. 121- 2 du Code Pénal, selon lequelles personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

La responsabilité pénale de la personne morale requiert deux conditions cumulatives :

- une infraction commise par les organes ou les représentants de la personne morale ;

- une infraction commise pour le compte et dans l’intérêt de la personne morale.

Il pourra être contesté que l’infraction a été commise pour le compte de cette personne morale et donc dans son intérêt.

La non-désignation du conducteur du véhicule profite à l’auteur de l’infraction, qui échappe de ce fait au paiement d’une amende et conserve ainsi les points de son permis de conduire.

Mais, l’infraction étant commise pour le compte de la société, cette dernière a pour intérêt d’avoir des salariés en possession d’un permis de conduire pour l’exercice de leurs fonctions …

La Cour de Cassation aura encore sans doute à connaître de nombreux litiges en matière de responsabilité pénale de la personne morale en cas de non-désignation de l’auteur d’une infraction routière.

Y aura-t-il une saison 4 ?... Peu probable.

En attendant, le suspense reste entier sauf sur un point : vous restez tenus de dénoncer le ou les acteurs présumés de l’infraction ou de vous auto-dénoncer, sous peine de double sanction.

Rappelez-vous ces conseils :

- 1. Vous recevez un avis de contravention en qualité de représentant légal ;

- 2. Le chef d’entreprise/le salarié demande immédiatement la photo constitutive de l'infraction pour savoir si le conducteur est ou non reconnaissable ;

- 3. L'entreprise dénonce dans le même temps le conducteur réel ou présumé (salarié ou gérant ou auto-entrepreneur) en LRAR ;

- 4. Le salarié, le gérant ou l'auto-entrepreneur reçoit à son nom propre l'avis de contravention ;

- 5A. Si le conducteur est identifiable sur la photo, paiement par le salarié, le gérant ou l'auto-entrepreneur fautif, et perte de points correspondants. Sauf à contester en cas de solde quasiment nul de points, pour ainsi gagner du temps et passer un stage de récupération de points à la CAPEB qui vous évitera l’invalidation du permis de conduire (il n’y a pas de retrait de points tant que l’amende n’est pas payée).

5B. Si le conducteur n'est pas identifiable sur la photo, simple déclaration « je n’étais pas au volant » du salarié /chef d’entreprise /micro-entrepreneur.

L’entreprise demeurera alors responsable du paiement de l'infraction pécuniaire, mais ne fera pas l'objet d'un retrait de points : l’entité n’a pas de permis de conduire !