2019-03-18 09:31:04

Petits arrangements autour de la représentativité

En démocratie, les manœuvres pour contourner le principe « un homme, une voix », sont légion. C’est ce qui menace la représentativité patronale : un risque de règne sans partage des grands groupes.

Petite piqûre de rappel…

Depuis les lois du 5 mars 2014 et du 8 août 2016, les pouvoirs publics ont mis en place des règles de détermination de la représentativité patronale notamment au niveau des branches professionnelles. Il en ressort qu’aujourd’hui la représentativité d’une organisation professionnelle est déterminée à 70% sur le nombre de salariés employés par ses adhérents, et seulement à 30% sur le nombre d'entreprises elles-mêmes ! Une pondération qui amène les organisations professionnelles regroupant des grandes entreprises, comme la FFB, à disposer, par exemple, d’une majorité de blocage. Majorité de blocage dont la FFB s’est servie, lors de la négociation sur les Opérateurs de compétences, pour décider seule et sans concertation, de supprimer la section paritaire des entreprises de moins de onze salariés.

Et c’est bien là le fond du problème.

Quelques chiffres pour bien saisir l’enjeu : 98% des entreprises du Bâtiment ont moins de 20 salariés, et génèrent 64% du CA du secteur.
Le 26 avril 2017, la Direction générale du travail et le Haut Conseil du dialogue social avaient dévoilé « l’audience » des organisations d’employeurs.
La FFB représente 29 123 entreprises de 10 salariés et moins, contre 53 304 pour la Capeb, et 13 021 entreprises de plus de 10 salariés, contre 3.157 pour la Capeb.
Au total, la FFB fédère 42.144 entreprises, et la Capeb, 56.461. On peut également noter que la Capeb est représentative y compris pour les plus 10.
Tout observateur doté à minima d’une logique d’enfant de CP remarque immédiatement que 56.461, c’est plus que 42 144. Et, à plus forte raison, quand il s’agit de prendre des décisions éclairées concernant les TPE, que 53.304, c’est beaucoup plus que 29.123…
Tout professionnel un tant soit peu avisé comprend bien que « représentativité patronale » signifie « représentativité des patrons », soit, traduit en termes moins syndicalistes « représentativité des chefs d’entreprises ». Et que s’agissant d’instances démocratiques, fonctionnant sur la base du vote, la règle de fonctionnement devrait être « un patron, une voix ».
Il en a été autrement, par l’un de ces subterfuges dont seuls les démocrates ont le secret, et qui permet à une minorité de décider des intérêts de la majorité : la pondération par les effectifs.

Ou « comment donner les rênes à la minorité » ?

C’est en se drapant des oripeaux d’une représentativité dite « sociale » fleurant bon un paternalisme qu’on croyait depuis longtemps oublié, que les pouvoirs publics ont trouvé la parade pour donner une majorité de blocage à une FFB numériquement minoritaire mais représentant des lobbys puissants (multinationales obligent).
Cette pondération, basée à 70% sur le nombre de salariés des entreprises membres de chaque organisation professionnelle, confère à la FFB une supériorité numérique évidente, même si elle est totalement imméritée.
En effet, quelle importance peut avoir, pour évaluer une représentativité des chefs d’entreprises, au sein d’instances censées porter leurs voix, le nombre de leurs salariés ? D’autre part, c’est sous-entendre que les entreprises, au sein de ces instances, défendent les intérêts de leurs salariés. Ce qui est absolument faux, puisque, au sein des instances de négociation collective, ces derniers sont représentés par, et c’est logique, leurs propres syndicats. Car, rappelons-le à toutes fins utiles : une entreprise n’est pas une démocratie, et l’un des critères déterminants du lien salarié-employeur, c’est la subordination.
On aboutit donc à une situation abracadabrante qui permet à une organisation professionnelle représentant les intérêts d’une minorité de grandes entreprises du Bâtiment, de passer outre les intérêts de la majorité des TPE. TPE dont la FFB serait bien en peine de nous démontrer qu’elle en maîtrise les préoccupations, mais qui représentent l’écrasante majorité des entreprises du secteur.
Cherchez l’erreur.
Ou la manœuvre…

Retrouvez l'interview de Patrick LIEBUS à Batiactu

Retrouvez la vidéo de l'un de nos chefs d'entreprise militant