2019-12-04 02:10:41

Devoir de conseil des chefs d’entreprise : difficile de s’en exonérer, difficile à prouver, mais obligatoire !

Le devoir de conseil est au cœur de la relation commerciale dans le secteur du bâtiment. Les litiges autour de cette question sont nombreux et les artisans se retrouvent fréquemment pointés du doigt pour défaut de conseil…

Qu’entend-on par devoir de conseil ?

Le devoir de conseil est une notion juridique assez large puisqu’elle n’est pas définie dans les textes. Le devoir de conseil repose exclusivement sur la jurisprudence qui s’enrichit au fur et à mesure des années et des cas portés devant les tribunaux.

Durant la phase préparatoire et tout au long de l’exécution du contrat, l’artisan est tenu à une obligation de conseil envers ses cocontractants tels que le maître d’ouvrage ou le sous-traitant.

Dans ce cadre, l’entrepreneur doit aussi s’acquitter d’un devoir d’information. Ainsi,en tant que professionnel, il doit informer correctement, conseiller au mieux,mettre en garde son client si besoin, lui expliquer les conséquences de ses choix… et plus particulièrement si celui-ci est un particulier. De manière concrète, cette obligation d’information implique de renseigner le client sur les caractéristiques d’un terrain, le respect des règles d’urbanisme et de construction,le choix de matériaux…

L’importance du devoir de conseil varie en fonction du type de chantier, de l’envergure des travaux, des techniques employées et du rôle de l’artisan dans le projet. Dans les faits, il prend la forme d’un avis que l’artisan doit nécessairement émettre quand il décèle un risque susceptible de porter préjudice à son client ou à un tiers.

Le devoir de conseil au quotidien

Sur un chantier, le devoir de conseil concerne tous les acteurs qui interviennent dans la chaîne des travaux, qu’ils soient traitants directs ou sous-traitants.

Cette obligation à laquelle est tenu l’entrepreneur à l’égard du maître d’ouvrage peut impliquer la délivrance d’une information aux autres intervenants du chantier. Ainsi, dans la pratique même lorsque l’entrepreneur n’est pas lié contractuellement au maître d’œuvre, il est préconisé de le mettre en copie des emails adressés au maître d’ouvrage lorsqu’il décèle par exemple une malfaçon provenant d’un autre corps d’état qui l’empêcherait de réaliser ses travaux conformément aux règles de l’art. Il existe également une obligation de conseil entre entrepreneurs dès lors que le travail de l’un dépend du travail de l’autre.

L’artisan doit exécuter des travaux exempts de tout vice, conformes à la réglementation en vigueur et aux règles de l'art. Il est tenu à ce titre d'une obligation de résultat. Il doit ainsi alerter son client en cas de doute sur la faisabilité d’un projet et ne pas céder aux contraintes budgétaires que ce dernier pourrait lui imposer. L’artisan doit, en effet, toujours refuser d’exécuter des travaux qui seraient non conformes aux règles de l’art.

Dans tous les cas, l’artisan engage sa responsabilité. En cas de manquement ou de défaut de conseil, il s’expose à des sanctions ou des poursuites qui peuvent être conséquentes. Pour se protéger, l’artisan doit démontrer le respect de son obligation contractuelle au travers :

-la nécessité d’une preuve par écrit (courriel, photo…)

-la preuve formelle (par l’écrit) de l’acceptation du client

Au-delà de l’aspect juridique et contractuel,l’exercice du devoir de conseil permet aussi à l’artisan de montrer son professionnalisme, son expertise et sa valeur ajoutée. Il s’agit donc aussi d’une belle opportunité pour renforcer la relation client.

Le devoir de conseil : mode d’emploi

L’artisan doit penser à son obligation de conseil à toutes les étapes du chantier.

//Au stade du devis

L’artisan doit être vigilant pour rédiger le devis le plus précisément possible avec :

  • une définition précise des missions à exécuter
  • la prise en compte de la réglementation en vigueur
  • La prise en compte des « aléas de chantier » (par exemple lorsqu’il n’est pas possible malgré un examen attentif du support d’anticiper les « surprises » du bâti dans le cadre d’un chantier de rénovation, ou encore les surcoûts susceptibles d’être générés en cas d’intempéries). Il doit prévenir et mettre en garde sur les risques et les insuffisances éventuelles du chantier par rapport à sa finalité et son coût.

//Pendant l’exécution des travaux

L’artisan doit informer le client et l’ensemble des parties prenantes sur la situation globale du chantier (état d’avancement, respect du calendrier, contraintes et difficultés…). En cas de problème, il doit :

  • dénoncer un support mal réalisé
  • dénoncer au maître d’ouvrage des ordres de l’architecte qui seraient non conforme

//****A la réception du chantier

Lorsque les travaux sont finis, l’artisan doit prendre quelques précautions comme :

  • la rédaction d’un procès-verbal de réception
  • joindre les photos au procès-verbal de réception
  • lister les entretiens à effectuer et joindre cette liste au procès-verbal de réception des travaux. On note que la délivrance des notices d’utilisation du fabricant ne vaut pas conseil.

Quand s’applique le devoir de conseil ?

Des exemples concrets dans lesquels le devoir de conseil s’applique : état du terrain, respect des règles d'urbanisme et de voisinage, faisabilité de l'opération, choix des intervenants, respect des règles de l'art, prise en compte des contraintes financières, de l'état des existants, des conditions d'entretien des équipements...

Artisans : ayez les bons réflexes !

Le devoir de conseil entraîne un certain formalisme puisque pour se prémunir l’artisan doit disposer de preuves à l’écrit qui constituent une source fiable devant un tribunal. A l’heure du digital et sur le chantier, les photos et les courriels constituent des preuves de premier choix devant un tribunal pour prouver la bonne foi de l’artisan. Sans trop perturber le bon déroulement des travaux.