2019-10-01 00:00:00

Refonte des aides : la CAPEB dénonce l’incohérence de la politique gouvernementale

A la faveur de la transformation du CITE en prime fusionnée, le Gouvernement procède en fait à la refonte générale des aides de l’état consacrées à la rénovation énergétique. Aux diverses aides de l’état (CITE et ANAH) sont ajoutées les aides provenant du dispositif des CEE, sorte d’addition « publique-privée » qui permet de présenter, au budget de l’État, un financement à enveloppe constante.

L’interaction de ces deux types d’aides permettrait ainsi, selon le gouvernement, de diminuer la part du financement incombant aux ménages, notamment les très modestes. Pour la CAPEB, simulations à l’appui, il n’en est rien : les restes à charges, y compris pour les plus modestes, seront relevés en 2020. C’est cette incohérence que la CAPEB entend dénoncer au sein du projet de loi de finances pour 2020, même si elle reconnait l’effet « déclencheur » d’une prime par rapport à un crédit d’impôt.

La réforme du CITE telle qu’elle est proposée présente des incohérences qui conduiront à l’inefficacité du dispositif fiscal envisagé, et ne répondra pas aux objectifs que se fixe pourtant le gouvernement en termes de renforcement de la politique environnemental au profit de la transition énergétique dans le secteur du bâtiment.

1 - Le transfert des aides des ménages les plus aisés vers les ménages les plus modestes est moralement louable, mais contre-productif d’un point de vue économique et environnemental. Seul l’objectif social est servi par ce transfert, alors que la fiscalité reste le moyen le plus efficace pour lutter contre les consommations énergétiques et les émissions de CO2 et un élément déterminant pour parvenir à une neutralité carbone dans le secteur du bâtiment à horizon 2050.

2 - En 2019, 20 % des bénéficiaires les plus aisés du CITE consommaient 50 % des travaux, a contrario les 80 % restants, c’est-à-dire les ménages modestes et intermédiaires, utilisaient l’autre moitié. L’objectif environnemental du Gouvernement d’atteindre les 500 000 rénovations par an et ainsi de réduire l’empreinte carbone laissée par le secteur nécessite, bien au contraire, une massification des travaux. Or il sera impossible aux ménages modestes et très modestes, dont une proportion très faible est propriétaire, de rattraper le gap créé.

3 – Comment le gouvernement peut-il espérer combler ce gap grâce aux dispositions fiscales annoncées, quand 80 % des bénéficiaires verront, quelque soient leurs catégories de revenus, leur reste à charge augmenter. Ainsi, les très modestes qui pouvaient réaliser en 2019 des opérations à zéro euro en cumulant tous les dispositifs, vont devoir débourser en 2020, à leurs frais, des montants très importants, équivalant à 25 % des travaux réalisés.

4 – Pour la CAPEB, et contrairement à l’affichage politique avancé par le gouvernement, il est évident que, dans ces conditions fiscales, les ménages modestes et très modestes ainsi que les ménages à revenus intermédiaires ne pourront pas, à eux seuls**, relever le défi environnemental de tout un pays.**

La complexité du nouveau dispositif le rend extrêmement difficile à expliquer tant par les artisans qui conseillent leurs clients que par les particuliers qui envisagent des travaux. Tout est orienté vers une politique sociale, qui n’est pas une politique environnementale et encore moins un levier économique. Le résultat de ces dispositions sera regrettable : les répercussions sur le marché de la rénovation seront sévères, les passoires thermiques ne seront pas éradiquées, les ménages modestes continueront à utiliser leurs chèques-énergie, et le bilan carbone stagnera pour longtemps. On peut se demander où est le bénéfice de cette réforme, si ce n’est pour les caisses de l’État !

Patrick Liébus, Président de la CAPEB