2019-03-19 12:30:23

RSI-SSI : « On sait ce qu’on perd, on ignore ce qu’on gagne »…

Le RSI, critiqué pour ses dysfonctionnements, a été remplacé par la SSI. Un changement de nom qui ne suffit pas, semble-t-il, à résoudre les problèmes…

L’idée semblait bonne : refondre un système considéré comme imparfait dans un système vendu comme parfait. La suppression du RSI et son intégration dans le système général doivent permettre, à l’issue d’une période de deux ans, de régler l’ensemble des dysfonctionnements reprochés à l’ancien et très décrié organisme de protection sociale des indépendants.
Transférée de manière provisoire à une entité transitoire, la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI), avant d’être intégrée pleinement au régime général fin 2019, la gestion de la protection sociale des indépendants rencontre, depuis sa mise en place, des « bugs » importants, qui rappellent curieusement ceux que les chefs d’entreprises rencontraient déjà avec le RSI…avec quelques bonus.

Promesses tenues ?

Nous avons largement passé le cap de 2019, et les problèmes perdurent : de nombreux indépendants se plaignent d’appels de cotisations erronés ou trop élevés, qui peuvent mettre en péril leur entreprise. A l’inverse, on constate aussi des remboursements de trop-perçus ne correspondant à rien…Bref, sur le plan de l’organisation, la SSI semble bien valoir le RSI. Sauf que, porteur de promesses de lendemains qui chantent, ce nouveau système est inévitablement la cause de déceptions immenses.
Nous n’en sommes cependant qu’à la première mi-temps, puisque l’intégration du RSI au système général ne sera définitive qu’à partir du 1er janvier 2020, pour la prise en charge des risques maladie, vieillesse et invalidité-décès et le prélèvement de leurs cotisations.
De plus, le Guichet Unique engagement fort de cette réforme n’est à ce jour toujours pas une réalité pour la SSI. Ironie de l’histoire : ce guichet unique existait à l’époque du RSI. La situation est donc pire depuis la réforme, puisque les indépendants ont de nouveau affaire à 3 interlocuteurs (Urssaf, Cnam et Carsat)…au lieu d’un seul jusqu’alors.
Donc, pour le moment, la SSI, c’est une sorte de « RSI aggravé » : les mêmes dysfonctionnements qu’avant, avec en prime la suppression du guichet unique. Mais, après tout, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Des ajustements progressifs en 2019

A tel point que le 22 janvier dernier, l’alerte a été remontée au gouvernement par le sénateur Jean-François Longeot, qui évoquait notamment des difficultés avec le système d'information. Et oui, en matière de sécurité sociale comme partout ailleurs, « c’est la faute de l’informatique ». Une incompatibilité entre le système d’information de l’URSSAF et de la SSI. Une situation de paralysie informatique qui ravivera de mémorables souvenirs aux vétérans : cotisations appelées en doublon, voire en triplon, « batch nocturne » qui plante, sous-traitant de l’URSSAF en charge des relances d’impayés qui fonctionne en roue libre…
Le Secrétaire d’Etat à l’Action et aux Comptes publics a assuré que le problème serait réglé rapidement. Parmi les changements de 2019, on nous promet la mise en place d’un nouveau dispositif de modulation en temps réel des cotisations, qui permettra aux indépendants de faire les ajustements nécessaires mois après mois en fonction de leurs revenus.
On nous aussi promet l’Interlocuteur Unique, auprès duquel l'indépendant, qu'il contacte l’URSSAF, la CPAM, ou la Carsat, obtiendra LA réponse à SA question.
Mais les indépendants attendent avant tout, depuis au moins 2008, d’avoir un système simplement valable, qui leur permette de savoir combien ils vont payer à l’échéance.
On a du mal à imaginer l’insurmontable complexité d’une telle demande, surtout quand on voit la facilité avec laquelle cette promesse est systématiquement faite et presque jamais tenue.
Dans tous les cas, cette première année de SSI n’augure pas du meilleur pour l’avenir de la protection sociale des indépendants.
Comme un phare dans la nuit, le Gouvernement a demandé́ aux Urssaf de faire preuve de souplesse. Générosité ? Lucidité ? Ou simplement lâcher de lest pour éviter d’ajouter une crise naissante à une crise en cours…

Et les sous, dans tout ça ?

A force de le critiquer, on parle moins de la manière dont le RSI a géré ses réserves de sécurité. Ces réserves sont une obligation légale garantissant le versement des droits des cotisants et la pérennité à long terme du régime complémentaire des indépendants. Comme l’expliquait Jean-Philippe Naudon, médiateur du RSI, en février 2017, « ces réserves correspondent aux excédents techniques cumulés, c’est-à-dire la différence entre les cotisations encaissées et le paiement des pensions et des charges de gestion, et au rendement financier de ces excédents ».
Bref, le RSI avait pour obligation de placer de l’argent en garantie des pensions dues.
Toujours selon les explications du médiateur du RSI, ces réserves « s’élèvent, au 31 décembre 2016, à 17,8 milliards d’euros (18,8 milliards au 31 décembre 2017). Les investissements sont largement diversifiés, dans un souci de maîtrise des risques de marchés et se décomposent en 10% en immobilier, 33% en actions, 47% en obligations, 10% en monétaire ». Une gestion de portefeuille « en bon père de famille », serait-on tenté de dire.
Ces réserves, en 2013, garantissaient le financement des retraites complémentaires au moins jusqu’en 2056.
Sans entrer dans une vaine polémique, on oublie souvent de se demander ce que ces milliards, correspondant à une « épargne collective » des excédents de cotisations des indépendants, vont devenir à la suite de la réforme…Vont-ils être versés dans le tonneau des Danaïdes du régime général ? Vont-ils disparaître dans les limbes de la comptabilité nationale ?

Un sujet que la CAPEB surveillera de près.