Le droit à la déconnexion dans les entreprises de moins de 50 salariés

L’essor des technologies numériques et des outils de communication a profondément transformé les conditions d’exercice du travail salarié. La généralisation de l’usage des messageries électroniques, des smartphones professionnels et du travail à distance a conduit à une perméabilité croissante entre la sphère professionnelle et la sphère privée.
Face à ce phénomène d’hyperconnectivité, le législateur français a introduit le droit à la déconnexion par la loi n°2016-1088 du 08 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Si ce dispositif impose des obligations précises aux entreprises d’au moins 50 salariés, la situation des entreprises de moins de 50 salariés est juridiquement distincte.
La définition et les fondements du droit à la déconnexion
Le droit à la déconnexion se définit comme la faculté pour tout salarié de ne pas être joignable ou de ne pas répondre à des sollicitations d’origine professionnelle en dehors de son temps de travail, notamment durant les périodes de repos quotidien et hebdomadaire, les congés payés et les jours fériés.
Ce droit poursuit trois objectifs principaux :
- Le respect des temps de repos et de la durée du travail prévue par les dispositions légales et conventionnelles ;
- La préservation de la vie privée et familiale des salariés ;
- La prévention des risques psychosociaux, dont les troubles liés à l’hyperconnexion.
En ce sens, le droit à la déconnexion constitue un outil de prévention en santé au travail qui renvoie directement à l’obligation générale de sécurité incombant à l’employeur.
Un droit à la déconnexion reconnu, mais non encadré pour les TPE/PME
Le Code du travail impose aux entreprises pourvues de délégués syndicaux une négociation annuelle obligatoire (NAO) portant, entre autres, sur les modalités d’exercice du droit à la déconnexion. Cette disposition ne vise que les entreprises d’au moins 50 salariés et disposant de délégués syndicaux. Par conséquent, les entreprises de moins de 50 salariés ne sont ni tenues de négocier un accord collectif, ni de rédiger une charte, en l’absence de CSE ou de toute représentation du personnel.
En l’état du droit positif, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit de sanction directe à l’encontre des entreprises de moins de 50 salariés qui ne formalisent pas le droit à la déconnexion.
Néanmoins, l’employeur demeure tenu à une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés.
La responsabilité de l’employeur et les risques associés
Même sans obligation formelle de négociation ou de charte, l’employeur reste tenu d’assurer la protection de la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation, d’ordre public, implique la mise en place de mesures préventives adaptées aux risques induits par l’hyperconnectivité, tels que la surcharge mentale, la fatigue numérique ou encore le burn-out.
Un manquement à cette obligation peut engager la responsabilité civile de l’employeur, voire sa responsabilité pénale en cas de manquement grave ayant des conséquences sur la santé du salarié.
La Cour de cassation considère que le salarié ne peut être tenu de rester disponible en dehors de son temps de travail, sauf à être reconnu en situation d’astreinte, laquelle doit faire l’objet d’une rémunération spécifique.
L’absence de règles claires au sein de l’entreprise peut faciliter la requalification de simples sollicitations en astreinte implicite, avec les conséquences indemnitaires afférentes.
Les recommandations pratiques pour les entreprises de moins de 50 salariés
Bien qu’aucune carte ne soit imposée, sa rédaction peut constituer un outil de preuve de la démarche préventive de l’employeur. Cette charte pourrait prévoir :
- Les plages horaires pendant lesquelles aucune sollicitation n’est attendue ;
- Les consignes relatives à l’usage des mails ou appels professionnels ;
- L’absence d’obligation de réponse en dehors du temps de travail ;
- La mise en place éventuellement de formations à l’usage raisonné des outils numériques.
Cette charte pourra être annexée au règlement intérieur, lorsqu’il en existe un, ou simplement communiquée à l’ensemble du personnel.
Certaines mesures simples mais efficaces peuvent être instaurées :
- Désactivation de l’envoi automatique d’emails en dehors des heures de travail ;
- Ajout de mentions dans les signatures de courriels, précisant qu’aucune n’est attendue immédiatement ;
- Sensibilisation des managers à leur rôle d’exemplarité ;
- Clarification des plages horaires de disponibilité sur les outils collaboratifs.
Le droit à la déconnexion comme levier de prévention du contentieux
En cas de litige individuel relatif à une surcharge de travail ou à une atteinte à la vie privée, l’absence de mesure de déconnexion pourra être interprétée comme un manquement à l’obligation de sécurité.
De plus, un salarié ne saurait être sanctionné pour avoir refusé de répondre à une sollicitation professionnelle en dehors de son temps de travail. Un licenciement fondé sur un tel motif serait susceptible d’être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Enfin, en cas de sollicitation constante et systématique, un salarié pourra engage la responsabilité de l’employeur pour non-respect du droit au repos et demander réparation devant le Conseil de prud’hommes.
Si vous souhaitez vous faire accompagner dans vos démarches pour mettre en place des mesures de déconnexion, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre CAPEB départementale.
SOURCES :
□ Article L.2242-17 7° du Code du travail sur le droit à la déconnexion ;
□ Article L.4121-1 du Code du travail sur l’obligation de santé et sécurité de l’employeur ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 12/07/2018 (17-13.029) sur la requalification en astreinte









