2021-06-30 11:21:32

Les TPE ne doivent pas être privées de leur droit à la parole

Une tribune libre de Jean-Christophe Repon, parue dans Les Echos le 30 juin 2021.

La réforme de la représentativité patronale privilégie le nombre de salariés plutôt que le nombre d'adhérents pour mesurer le poids de chaque branche professionnelle. Un mode de calcul qui dessert les plus petites entreprises, s'insurge le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon.


Une injustice criante existe aujourd'hui : les TPE sont empêchées de décider elles-mêmes des règles sociales pour l'apprentissage, la formation, les conventions collectives. En 2014, la loi a fixé les règles de mesure de la représentativité des organisations patronales. A l'origine, l'équation était simple : le Gouvernement prévoyait d'évaluer leur poids sur la base du critère : une entreprise = une voix. Or ce n'est pas ce qu'il s'est passé, en effet, c'était sans compter le conservatisme des grandes entreprises qui ont vu d'un très mauvais oeil que les TPE puissent nourrir leur propre dialogue social.
Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, l'organisation patronale qui décide dans le champ social, n'est pas l'organisation qui possède le plus grand nombre d'adhérents mais celle dont les entreprises adhérentes emploient le plus de salariés. De surcroît dans le bâtiment, l'écart est infime (0,2 %).

Rouleau compresseur

En matière de représentativité, les règles actuelles ne donnent pas à la Capeb la possibilité de défendre ses 57.000 entreprises adhérentes, alors qu'elle est l'organisation professionnelle qui possède le plus grand nombre d'entreprises adhérentes en France, tous secteurs d'activités confondus !
Cette mesure de l'audience ainsi faussée représente en 2021 une véritable injustice et engendre un blocage du dialogue social sans précédent. Le droit d'opposition à l'extension d'un accord est désormais exclusivement attribué à l'organisation représentant les grandes entreprises. Devenues majoritaires sur tous les champs du bâtiment grâce au décompte de leurs salariés, celles-ci peuvent s'opposer à tout accord y compris sur le champ des TPE.
Cette mesure agit comme un rouleau compresseur qui obère la spécificité des TPE et le pluralisme patronal et qui compromet le dynamisme de l'artisanat et de ses 4 millions de salariés. Il en résulte un doute sur la légitimité et l'efficacité du dialogue social, soit tout l'inverse du but recherché.

Posture partisane

Conséquence de ce droit d'opposition : quand bien même les représentants des TPE négocieraient un accord avec l'ensemble des organisations de salariés, cet accord, même signé majoritairement, ne pourra être mis en oeuvre. Le dernier exemple : les conventions collectives Bâtiment modernisées et simplifiées autour de deux champs conventionnels (jusqu'à 10 salariés et au-delà) subissent le droit d'opposition des grandes entreprises. Du coup, ce sont des textes de 1990 qui s'appliquent au secteur !
Le Gouvernement semble conscient de cette iniquité et voudrait que les organisations interprofessionnelles puissent s'entendre entre elles. Comment imaginer que celles qui sont en position de force aujourd'hui acceptent de remettre en cause leur position dominante ? Le désengagement de l'Etat et la neutralité apparente des ministres successifs affichent de facto une posture partisane en faveur des grandes entreprises.
Seule une modification de la loi peut apporter la solution. Le Gouvernement doit mettre en cohérence ses déclarations et ses actes. Il ne peut en effet louer l'importance des TPE dans le tissu économique et, dans le même temps, ne pas leur permettre de s'exprimer et de s'organiser ! Les parlementaires, élus de terrain, savent bien que l'artisanat contribue à la prospérité de l'économie de proximité et permet de préserver le tissu social par l'emploi et la formation de personnels et d'apprentis, qui seront, pour certains, les chefs d'entreprise de demain.

Dialogue social équilibré

Persister dans le déni sur la place que doivent légitimement occuper les petites entreprises dans le « concert social » conduit à une impasse et serait irresponsable.
La Capeb, avec l'U2P, demande à l'exécutif et au législateur d'entendre les protestations légitimes des TPE, pour que les règles relatives à la représentativité patronale soient modifiées.
La Capeb attend du gouvernement qu'il soit un arbitre impartial pour mettre en place des « règles du jeu » équitables afin que chacun occupe la place qui lui revient pour un dialogue social équilibré et apaisé.

Jean-Christophe Repon, Président de la CAPEB