Représentativité : l'interview du Président dans Batiactu
L’an dernier, vous fêtiez les 73 ans de votre organisation, en lançant une campagne de recrutement d’adhérents. Comment définiriez-vous le rôle d’un syndicat professionnel comme la Capeb aujourd’hui ?
Patrick Liébus : "La campagne lancée l’année dernière est effectivement tombée au moment de nos 73 ans. Autant d’années durant lesquelles notre organisation a, contre vents et marées, gardé la même raison d’être : une confédération qui se tient au plus près des entreprises artisanales, les représente et les défend. Nous continuerons sur cette voie avec un modernisme conforté."
Cette année verra le lancement du nouveau calcul de la représentativité patronale, qui a lieu tous les quatre ans (la première pesée de 2015 publiée en 2017). Êtes-vous confiant ?
Patrick Liébus : "Oui, mais pour autant nous contestons le mode de calcul utilisé par les pouvoirs publics. Ils considèrent que la représentativité s’évalue à 70% sur le nombre de salariés employés par nos adhérents, et à seulement 30% sur le nombre d’entreprises adhérentes. C’est injuste. Nous parlons ici de défendre les chefs d’entreprise, et non les salariés, cela devrait être calculé a minima de manière inverse ! Les salariés sont représentés à un autre niveau par d’autres syndicats, et c’est très bien ainsi. De même, faire reposer le droit d’opposition sur le seul nombre de salariés est un non-sens."
Pourquoi ce mode de calcul a-t-il été choisi ?
Patrick Liébus : "Il y a eu une pression de la part des représentants des grandes entreprises, dans la mesure où cette manière de calculer la représentativité les avantage, à nos dépends. Le résultat, c’est que la Fédération française du bâtiment dispose du droit d’opposition qui est basé uniquement sur le nombre de salariés. Nous sommes très inquiets lorsque nous constatons à quel point le dialogue social s’est durci, voire est devenu inexistant. Dans les faits, nous sommes soumis à un diktat. La Fédération française du bâtiment a une stratégie très claire : faire en sorte qu’il n’y ait plus, à terme, qu’une seule organisation représentant le Bâtiment dans son ensemble. Le processus est enclenché, et pourrait toucher peut-être même les Travaux publics. Ainsi, on vient briser l’équilibre d’un dialogue social qui était pourtant serein au sein de nos branches. Tout cela à cause de ce mode de calcul dommageable.
Remarquez que cette idée d’organisation unique entre bien dans les projets gouvernementaux, annoncés très clairement par le ministère, de parvenir à terme à une centaine de branches professionnelles (contre environ 700 actuellement). Face à cette hypothèse, nous formulons cinq propositions aux pouvoirs publics afin de rétablir un équilibre, et une forme de justice. Car comprenons-nous bien : cette diminution drastique du nombre de branches va mettre sur la touche les TPE en général, au sein de nombreuses filières, pas seulement celle du Bâtiment".
Préfèreriez-vous que ce soit la Capeb qui dispose d’une majorité de blocage ?
Patrick Liébus :" La Capeb n’est pas une organisation qui cherche la polémique. Nous souhaitons que l’intérêt des entreprises artisanales soit respecté, et que des relations équilibrées – « chacun à sa place » - continuent d’exister entre nos deux entités, comme cela a toujours été le cas. Nous ne nous dirigeons malheureusement pas vers cette voie, et c’est inquiétant pour les entreprises artisanales. On l’a vu avec la récente négociation sur les Opérateurs de compétences (Opco)."
Que voulez-vous dire ?
Patrick Liébus :"La FFB a profité de cette négociation pour supprimer la section paritaire des entreprises de moins de onze salariés, de manière unilatérale, sans aucune concertation. Or, c’est au sein de cette section que peuvent s’exprimer les besoins spécifiques des TPE. Pour la Fédération Française du Bâtiment, il n’y aurait donc pas de spécificités de la petite entreprise ? Cette section jusqu’à 11 salariés existait pourtant depuis l’origine, et d’un seul coup la FFB décide que ce n’est plus nécessaire. Ils peuvent faire sans nous, puisqu’ils ont le droit d’opposition. C’est dommageable, puisque les TPE cotisent volontairement davantage que les grandes entreprises pour diminuer le coût de formation restant à la charge de l’employeur. La suppression de cette section va de pair avec le fait que l’argent qu’elles ont investi ne leur reviendra pas nécessairement, mais risque d’être mutualisé – donc bénéficiera aussi à des grandes entreprises qui ne souhaitent pas cotiser davantage que ce que la loi exige, ce qui est d’ailleurs leur droit le plus strict. Ainsi, nous voilà en train de détricoter tous les outils qui ont pourtant fait leurs preuves ces dernières années."
Que vous répondent les pouvoirs publics lorsque vous les alertez sur ce fait ?
Patrick Liébus : "Ils nous disent de nous arranger entre nous, entre organisations professionnelles. Mais comment envisager que les représentants des grandes entreprises acceptent de négocier, dans la mesure où le système actuel les avantage ? Ils n’ont aucune raison de reculer, de revenir sur la méthode de calcul. C’est donc aux pouvoirs publics de jouer leur rôle d’arbitre pour rétablir la justice. Car la conséquence de cette manière caduque d’évaluer la représentativité patronale, nous la connaissons : c’est ni plus ni moins que la marginalisation des TPE au sein des branches"









