Un ouvrier peut-il venir travailler en bermuda ou en short ?
(Ici on fait bien la différence entre les ouvriers et les ETAM/cadres du Bâtiment et des Travaux Publics).
A l’approche des périodes de forte chaleur, la question du port du bermuda ou du short sur les chantiers du bâtiment et des travaux publics (BTP) suscite régulièrement des interrogations et des débats. Si la tentation de s’alléger en période estivale est compréhensible, elle n’en demeure pas moins incompatible avec la réalité des chantiers.
Les ouvriers du BTP évoluent quotidiennement dans des environnements instables, contraints et à haut risque. Dans ce secteur tout particulièrement, les tenues professionnelles ne relèvent pas d’un simple choix esthétique ou de confort personnel ; elles sont avant tout des équipements de travail destinées à assurer la sécurité des salariés exposés à des environnements de travail dangereux et imprévisibles. Elles sont indissociables des exigences de sécurité au travail.
Liberté vestimentaire au travail : un principe relatif
En droit du travail, le principe est qu’un salarié bénéficie d’une certaine liberté vestimentaire dans le cadre de son activité professionnelle. Cependant, cette liberté connait des limites strictes lorsqu’elle entre en conflit avec des exigences de sécurité ou des contraintes professionnelles propres à l’activité exercée.
Dès lors, même en période de forte chaleur, un employeur reste en droit d’imposer des vêtements longs et adaptés, s’il démontre que cette exigence est justifiée par la nature des tâches accomplies et les risques encourus.
La primauté des obligations de santé et de sécurité de l’employeur
Le Code du travail consacre l’obligation générale pour l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de ses salariés. Cette obligation de sécurité est impérative et prévaut sur toute considération de confort ou d’aménagement vestimentaire.
Il appartient ainsi à l’employeur de réaliser une évaluation des risques professionnels et de définir, dans le cadre de cette analyse, les exigences en matière de tenue de travail. Si les conditions de travail exposent les jambes à des risques mécaniques (coupures, abrasions, écrasement), thermiques (brûlures), chimiques ou biologiques, le port d’un pantalon long et résistant est alors indispensable.
Permettre le port d’un bermuda ou d’un short sur un chantier présentant des dangers identifiés reviendrait à minorer la gravité des risques et exposerait directement l’employeur à des sanctions en cas d’accident. Quand bien même le salarié manifesterait son souhait de porter une tenue plus légère, l’employeur reste responsable et ne saurait se décharger de cette obligation de prévention et de protection.
La prévalence de la sécurité sur le confort
Le débat autour du port du bermuda traduit ainsi une opposition claire entre le souhait d’améliorer le confort immédiat des salariés et l’exigence non négociable de préserver leur sécurité. Juridiquement et réglementairement, c’est la protection de la santé et de l’intégrité physique des ouvriers qui doit primer.
Lorsqu’un équipement de protection individuelle ou une tenue de travail spécifique est nécessaire pour prévenir les risques professionnels, leur port devient obligatoire. Ces équipements doivent être portés et maintenus en bon état de fonctionnement, et il incombe à l’employeur d’en assurer la disponibilité et l’usage effectif.
Aujourd’hui, il existe sur le marché professionnel des équipements et vêtements techniques spécialement conçus pour concilier protection et adaptation aux fortes chaleurs, sans nécessiter de renoncer aux exigences de sécurité (ex : tee-shirts thermorégulant, pantalons respirants, chaussures de sécurité ultralégères, etc…).
Pour conclure…
Au regard des dispositions légales et des principes généraux de prévention, il convient de rappeler que l’employeur demeure juridiquement tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique de ses salariés, dès lors que leur activité professionnelle les expose à des risques identifiés. Cette obligation de sécurité, à caractère impératif, implique notamment de veiller à ce que les tenues de travail soient adaptées aux dangers inhérents aux tâches réalisées et aux conditions d’intervention.
Le port de vêtements légers, tels qu’un short ou un bermuda sur un chantier, ne saurait, en conséquence, être autorisé qu’en l’absence de tout risque pour les membres inférieurs du salarié. A défaut, l’autorisation d’une telle tenue reviendrait à méconnaitre l’obligation légale de sécurité et pourrait engager la responsabilité de l’employeur en cas d’accident ou de manquement constaté lors d’un contrôle de l’inspection du travail.
Il appartient donc à chaque employeur, à travers l’évaluation des risques et la rédaction du DUERP, d’apprécier les situations dans lesquelles le port de vêtements légers pourrait être toléré sans compromettre la sécurité.
En tout état de cause, la seule contrainte climatique ne saurait justifier un assouplissement des exigences de sécurité lorsque la nature de l’activité professionnelle expose le salarié à des risques corporels. L’employeur demeure libre de fixer des règles vestimentaires internes plus strictes en l’absence de risque identifiés, mais reste dans l’obligation de maintenir des tenues protectrices adaptées lorsque la sécurité l’exige.
SOURCES :
□ Article L.4121-1 du Code du travail sur l’obligation générale de sécurité de l’employeur ;
□ Article L.421-2 du Code du travail sur les principes généraux de prévention ;
□ Article R.4121-1 du Code du travail sur l’obligation d’évaluation des risques professionnels et la mise à jour du document unique ;
□ Articles R.4323-95 et suivants du Code du travail sur le port et l’entretien des EPI ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 28/05/2003 (02-40.273) sur le fait que la liberté de s’habiller n’est pas une liberté fondamentale.