2025-06-10 14:16:22

L’agrément du sous-traitant par le maitre d’ouvrage en marché privé

« L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage [...]

Lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître d’ouvrage dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l’égard du sous-traitant ».

Article 3 de la loi n°75-1334 du 31/12/1975 relative à la sous-traitance.

Le recours à la sous-traitance est une pratique largement répandue dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, où la complexité technique des opérations et la diversité des corps de métier imposent souvent le recours à plusieurs entreprises spécialisées. Cette pratique, bien que courante, n’est pas dépourvue d’encadrement juridique, notamment en matière de protection des sous-traitants et de sécurisation de la chaîne contractuelle.

Dans cette perspective, la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance a instauré des règles impératives visant à organiser les relations entre le maître d’ouvrage, l’entrepreneur principal et les sous-traitants. A cet effet, son article 3 prévoit notamment que chaque sous-traitant doit être accepté par le maître d’ouvrage.

L’agrément du maître d’ouvrage

Dans les marchés privés de travaux, la sous-traitance est soumise aux dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 précitée qui prévoit un agrément du sous-traitant.

Pour ce faire, l’entrepreneur principal doit adresser au maître d’ouvrage une demande d’acceptation et d’agrément, exposant les éléments d’identification du sous-traitant pressenti, la nature et le montant des travaux sous-traités, ainsi que les conditions de paiement envisagées. Il peut le faire à tout moment.

Si la loi ne prévoit pas expressément de forme écrite pour cette demande, la pratique et la jurisprudence imposent cependant le recours à un écrit, et ce pour des raisons probatoires et de sécurité juridique.

Le maître d’ouvrage dispose d’une liberté souveraine pour agréer ou refuser le sous-traitant proposé. Toutefois, cette décision doit s’appuyer sur des critères objectifs tenant aux garanties techniques, financières ou encore à la réputation professionnelle du sous-traitant.

Attention : le silence du maître d’ouvrage ne vaut pas acceptation tacite. Seule une acceptation expresse confère au sous-traitant le droit d’intervenir.

Les conséquences attachées à l’absence d’agrément

En l’absence d’agrément régulier, le sous-traitant demeure juridiquement inopposable au maître d’ouvrage. En conséquence, il ne saurait revendiquer aucun droit à l’égard de ce dernier, qu’il s’agisse de l’exécution de prestations ou du règlement de sommes dues.

Cette situation prive également le sous-traitant de la possibilité de solliciter le bénéfice du paiement direct. Le paiement direct constitue une sûreté instituée au profit du sous-traitant pour garantir sa rémunération, notamment en cas de défaillance de l’entrepreneur principal. Toutefois, ce mécanisme est subordonné à la double condition de l’acceptation du sous-traitant et de l’agrément de ses conditions de paiement par le maître d’ouvrage. A défaut de cet agrément, le sous-traitant est déchu de ce droit et se trouve contraint de réclamer son dû auprès de l’entrepreneur principal exclusivement.

Enfin, le défaut d’agrément engage la responsabilité exclusive de l’entrepreneur principal à l’égard du maître d’ouvrage. Celui-ci sera fondé à invoquer une inexécution contractuelle ou une violation des stipulations du marché.

SOURCES :

□ Loi n°75-1334 du 31/12/1975 relative à la sous-traitance ;
□ Arrêt de la 3ème Civ. du 31/03/1993 (91-14.958) sur le moment de solliciter l’agrément ;
□ Arrêt de la Cour d’appel de COLMAR du 12/04/2023 (21/03236) sur le silence du maître d’ouvrage ;
□ Arrêt de la 3ème Civ. du 02/02/2005 (03-15.482) sur le fait que le refus d’agrément du sous-traitant ne doit pas être abusif ;
□ Arrêt de la 3ème Civ. du 01/04/1992 (90-18.868) sur l’absence d’action directe du sous-traitant non agréé.