Les Idées reçues sur le CDI de chantier (ou d’opération)

Dans le secteur du bâtiment, des travaux publics et plus largement dans les activités soumises à la fluctuation des chantiers, le recours à des formes particulières de contrats de travail s’est progressivement imposé pour répondre aux impératifs de souplesse et d’organisation des entreprises. Parmi ces dispositifs, figure le contrat à durée indéterminée de chantier, souvent qualifié de CDI de chantier ou d’opération. Ce contrat est un contrat de travail à durée indéterminée dont la rupture est prévue à la fin d’un chantier ou d’un ouvrage précisément défini.
Ce type de contrat, à mi-chemin entre le CDI classique et le contrat à durée déterminée par sa cause de rupture anticipée, suscite de nombreuses interrogations quant à sa nature juridique, son encadrement et ses effets pour le salarié comme pour l’employeur.
1) Le CDI de chantier peut être utilisé dans n’importe quel secteur d’activité !
Faux. Le recours au CDI de chantier est très encadré. Il est autorisé uniquement si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit. A défaut, il faut que son usage soit habituel dans la profession en question, comme cela peut être le cas pour le Bâtiment.
2) « J’ai le choix entre un CDD et un CDI de chantier »
Faux. La réalisation d’un chantier ne constitue pas un motif valable de recours au CDD pour accroissement temporaire d’activité. Lorsqu’un salarié est recruté spécifiquement pour l’exécution et la réalisation d’un chantier, l’employeur doit impérativement opter pour un CDI de chantier.
3) Un CDI de chantier, c’est comme un CDI classique !
Faux. Le CDI de chantier est une forme particulière de contrat à durée indéterminée qui ne saurait être assimilée au CDI de droit commun. Contrairement à ce dernier, qui vise à pourvoir un emploi permanent au sein de l’entreprise, le CDI de chantier est conclu spécifiquement pour la durée d’un chantier ou d’une opération déterminée, dont la survenance et la fin conditionnent la relation de travail.
Cette distinction est essentielle car elle détermine à la fois le régime juridique applicable et les droits du salarié en matière de rupture du contrat. Afin de prévenir toute confusion et de sécuriser la relation de travail, il est impératif que le contrat soit rédigé avec soin. Il doit mentionner de façon explicite qu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée de chantier ou d’opération. Par ailleurs, il est indispensable de décrire avec précision la mission pour laquelle le salarié est recruté. Cela implique de mentionner clairement :
- La nature du chantier ou de l’opération concernée ;
- Sa localisation ;
- Les missions principales confiées au salarié.
4) Le CDI de chantier doit contenir une date de fin !
Faux. Le CDI de chantier est un contrat à durée indéterminée. Cela signifie qu’il ne peut comporter de terme précis, comme un CDD, car les dispositions légales interdisent d’apposer une date de fin à un CDI.
Il est conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération spécifique, dont la fin est incertaine dans sa date, mais certaine dans son principe. Ainsi, le contrat ne doit pas prévoir de date de fin calendaire, mais doit identifier clairement le chantier ou l’opération à l’issue duquel la relation de travail pourra prendre fin.
5) Le CDI de chantier permet de se passer de procédure de licenciement à la fin du chantier !
Faux. Le CDI de chantier est un contrat à durée indéterminée conclu pour la réalisation d’un ouvrage ou d’une opération clairement définie. Il ne comporte pas de terme fixe, mais il peut être rompu lorsque le chantier est achevé, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Cependant, la fin du chantier n’opère pas une rupture automatique du contrat. La rupture doit obligatoirement passer par une procédure de licenciement, identique à celle prévue pour tout CDI.
6) La fin du CDI de chantier n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité !
Faux. Au moment de la rupture du contrat, l’employeur est tenu de verser au salarié l’ensemble des sommes dues, à savoir : les salaires restant à payer, l’indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que l’indemnité de licenciement. Cette dernière est fixée par la convention ou l’accord collectif encadrant le recours au CDI de chantier. Toutefois, le contrat de travail peut également prévoir des conditions de calcul plus avantageuses pour le salarié.
En l’absence de dispositions spécifiques dans la Convention collective, l’accord de branche ou le contrat de travail, c’est le régime légal de l’indemnité de licenciement qui s’applique.
SOURCES :
□ Article L.1223-8 du Code du travail sur le recours au CDI de chantier ;
□ Article L.1232-2 du Code du travail sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
□ Article L.1236-8 du Code du travail sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse en cas de fin du CDI de chantier ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 07/03/2007 (04-47.059) sur l’obligation de recourir au CDI de chantier ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 22/06/2016 (15-14.740) sur l’obligation de mentionner le ou les chantiers déterminés ;
□ Arrêt de la Chambre sociale du 06/01/2010 (08-44.059) sur la justification du licenciement en raison de la fin du chantier ;
□ Arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 14/05/2009 (08-1464 sur l’information du salarié sur le caractère spécifique de son contrat pour valider le licenciement.









