2020-03-09 10:38:47

COVID-19 et les questions-réponses marchés privés de travaux

Il s'agit ici de vous apporter des réponses plus spécifiques concernant les marchés privés de travaux. Le service juridique reste également disponible à tous nos adhérents pour être accompagnés ou répondre aux interrogations au 04 66 28 87 87.

Question : un marché de droit privé doit être réalisé dans une zone à risque mais non dans une commune soumise à un arrêté de confinement. Le marché prévoit des pénalités en cas de retard ou de non-exécution du contrat. Il s’agit d’un marché privé de travaux soumis au droit français. Quelles conséquences de l’épidémie sur mon contrat ?

L’épidémie est-elle un cas de force majeure me permettant d’échapper aux pénalités ?

Le Gouvernement a indiqué que la force majeure serait retenue pour les marchés publics del’Etat, pour lesquels les pénalités de retard ne seront pas appliqués. En revanche, cette mesure ne vise pas les autres marchés et notamment les marchés privés de travaux.La force majeure, en droit français, est régie par l’article 1218 du code civil et nécessite laréunion de plusieurs éléments :

• un événement échappant au contrôle du débiteur ;
• qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ;
• dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ;
• qui empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

L’événement était-il imprévisible ?
Sur ce point la date de conclusion du contrat est importante. Pour les contrats conclus avant l’année 2020, avant l’annonce de l’épidémie, le critère d’imprévisibilité de l’épidémie apparaît rempli. En revanche, pour les contrats conclusplus récemment, après le 30 janvier 2020 date à laquelle l’OMS a reconnu le caractère d’urgence de santé publique de portée international de l’épidémie, le caractère imprévisible est plus sujet à interrogations, sans toutefois pouvoir l’exclure totalement pour les contratspassés dans une région non déclarée à risque à cette date.

L’événement est-il irrésistible ?
une appréciation globale de la situation est nécessaire pour apprécier le caractère irrésistible de l’événement, pour considérer qu’il rend matériellement impossible l’exécution de l’engagement (ainsi des recommandations de ne pas voyager dans certaines zones n’auront pas la même portée que des arrêtés de confinement ou d’interdiction d’exercer des activités par les entreprises) ; l’existence d’une pandémie dans une zone aura un caractère plus irrésistible que dans une zone limitrophe caractérisée par un cas isolé de maladie, et dès lors que des mesures préventives sont connues.

L’exécution des travaux est-elle rendue impossible ou des solutions alternatives peuvent être prises ?
Pour un marché dont la réalisation nécessite l’intervention de salariés, devant les recommandations officielles de ne se rendre dans certaines zones d’épidémies qu’en cas d’extrême nécessité, l’impossibilité de réalisation du marché pourrait être défendue.

La force majeure, quand elle est reconnue peut permettre de suspendre ou annuler le contrat ou de ne pas avoir de pénalités de retard si le marché ne peut pas être poursuivi. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue par la force majeure à moins que le retard qui en résulterait justifierait la résolution du marché. Si l’empêchement est définitif, la reconnaissance de la force majeure autorise la résolution de plein droit du contrat et les parties sont libérées de leurs obligations.

Cependant, la force majeure bien que constituant un moyen de droit reste aléatoire et n’est pas nécessairement reconnu par les tribunaux particulièrement en matière de risque sanitaire.De plus, le contrat peut avoir aménagé une clause relative à la force majeure modifiant la définition légale de la force majeure, ou en excluant certains événements tels que lesépidémies, ou encore en précisant les modalités de mise en œuvre.

L’épidémie est-elle une cause d’imprévision permettant de renégocier le contrat ?

En dehors de la force majeure, l’entreprise peut aussi s’interroger sur l’imprévision de l’épidémie.

L’article 1195 du Code Civil permet, en effet, en cas de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, que cette dernière entame des démarches en vue de la renégociation du contrat.

A noter qu’elle est tenue de continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir d’une convention de la résolution du contrat.

Si la force majeure s’avérait, au vu des circonstances de réalisation du marché, difficilement invocable, il pourrait être envisagé, mais toujours en fonction des circonstances de l’espèce,et notamment de la date de la conclusion du marché, que l’épidémie dans la zone de réalisation des travaux constitue un cas d’imprévision, permettant aux parties de renégocier leur contrat,par exemple le temps que dure la situation de crise.

Il convient là encore d’examiner attentivement le contrat, une clause contractuelle pouvant aménager ou restreindre les dispositions relatives à l’imprévision.

En définitive, il peut être préconisé dans un premier temps et si cela est possible, que l’entreprise se rapproche de son client pour demander un report d’exécution du marché au vu des circonstances exceptionnelles voire une renégociation des clauses du contrat. L’argument de la force majeure,qui risque de soulever des différends d’interprétation, ne devrait être utilisé qu’en dernierre cours._

Question : Si mon entreprise doit suspendre l’exécution d’un chantier, en cas de confinement de salariés, de marchandises bloquées en raison du coronavirus, les pertes d’exploitations qui en résultent sont-elles prise en charge par mon contrat d’assurance ?

La garantie des pertes d’exploitation permet à l’entreprise de compenser les conséquences des effets de la diminution du chiffre d’affaire.

Cette assurance à vocation à intervenir lorsque la perte d’exploitation est la conséquence directe d’un dommage matériel causé par les événements garantis par le contrat (incendie, explosion, dégâts des eaux, catastrophe naturelle, etc…)

Or, les épidémies et pandémies ne font, en principe, pas partie des événements garantis par les contrats Multirisques professionnels. Par ailleurs, les pertes d’exploitations subies par l’entreprise en lien avec le coronavirus sont des pertes d’exploitations sans dommages.Aussi, pour être couvertes en cas d’épidémies, les entreprises doivent ainsi avoir souscritune garantie pertes d’exploitation sans dommages.

Cependant, très peu d’assureur proposent ce type de garantie et ce quel que soit l’évènement qui y donne naissance et, à ce jour, il n’existe pas vraiment de solution d’assurance pour couvrir le risque d‘épidémies et de pandémies, ces risques étant des événements dit systémiques.